La Cour européenne des droits de l’homme confirme le droit des femmes à choisir les circonstances de devenir parent, incluant ce qui touche l’accouchement.
Les 31 mai et 1er juin dernier j’eus l’honneur d’être invitée à participer comme paneliste à la première conférence internationale sur les droits de la personne et l’accouchement, à La Haye en Hollande : Human Rights in Childbirth – International Conference of Jurists, Midwives and Obstetricians. La Haye est la capitale de la justice internationale. Cette conférence était organisée par un centre de recherche hollandais sur les droits reproducteurs, en collaboration avec le programme de droit international et européen de l’Université de La Haye. Ma présentation a porté sur l’AVAC et la manière biaisée dont on en présente généralement les risques, ce qui ne favorise pas un choix éclairé pour les femmes et les couples.
Trois-cents personnes ont assisté à cette conférence. Les sages-femmes formaient la majorité. Les autres participants étaient des juristes – plusieurs avocats du domaine des droits de la personne – des chercheurs, des médecins, des éducatrices prénatales, des infirmières, des doulas (accompagnantes à la naissance) et des parents. Ces personnes provenaient de 29 pays, des 5 régions globales du monde sauf l’Asie.
Cinquante panelistes, femmes et hommes réputés au sujet des questions entourant l’accouchement et la naissance, à l’échelle internationale et dans leur pays (13 pays différents : Hollande, Angleterre, Écosse, Irlande, Hongrie, Canada, États-Unis, France, Portugal, Belgique, Nouvelle-Zélande, Israël. Turquie) avaient été conviés à participer à cette conférence : juristes, obstétriciens-gynécologues, pédiatres, sages-femmes, éthiciens, chercheurs en sciences humaines et en santé publique, infirmières, doulas, ainsi que quelques parents. De plus, la sage-femme américaine Ina May Gaskin, que l’on qualifie de « sage-femme la plus célèbre au monde », ainsi que l’anthropologue chercheure Robbie Davis-Floyd, anthropologue auteure de Birth as a Rite of Passage et le chercheur Raymonde De Vries, professeur au programme sage-femme de l’University de Maastricht (Hollande), ouvraient respectivement la première et seconde journée de la conférence.
La conférence avait été organisée à la suite de l’emprisonnement toujours en cours d’un médecin-sage-femme en Hongrie, Agnès Gereb (sous le seul chef d’accusation d’avoir été présente à un accouchement à domicile) et à la suite d’un jugement subséquent important de la Cour européenne des droits de l’homme, en décembre 2010. Parmi les premiers panelistes se trouvait la Hongroise ayant fait appel à la Cour européenne des droits de l’homme, Anne Ternovsky, qui se considérait lésée dans ses droits suite à l’emprisonnement de la sage-femme (le cas Ternovsky v. Hungary). La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) déclara que la question de l’autorité légale et des choix dans le domaine de l’accouchement relève des droits de la personne.
La Cour déclara que le droit en cause était le droit à la vie privée, source d’autres droits dans le domaine de la reproduction. La Cour fonda son jugement sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui stipule que « chaque personne a le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Pour la Cour, « la vie privée » est un terme qui recouvre des aspects de l’identité physique et sociale d’un individu, incluant son droit à l’autonomie, au développement personnel et à l’établissement de relations avec d’autres personnes. Ceci inclut le droit au respect des décisions prises par les futurs et actuels parents. Le principe de l’autonomie est au cœur de l’article 8. La cour précise que « the right concerning the decision to become a parent includes the right of choosing the circumstances of becoming a parent » (le droit relié à la décision de devenir un parent inclut le droit de choisir les circonstances entourant le devenir parent – la traduction est de moi).
Le jugement de la Cour européenne des droits de l’homme est important car il touche – la Cour le précise – les circonstances dans laquelle une femme souhaite donner naissance, une question qui préoccupe depuis trente ans, au Québec, l’organisme Regroupement Naissance-Renaissance qui œuvre à la défense des droits des femmes dans le domaine de la maternité, et en particulier en ce qui concerne l’accouchement. Ce jugement est important car il impose l’obligation aux pays européens ayant signé la Convention européenne des droits de l’homme (qui date de 1950 !) de s’assurer que les femmes enceintes ont la possibilité de choisir les circonstances dans lesquelles elles souhaitent donner naissance (lieu de naissance, type d’intervenant, etc.). Par ailleurs, le jugement souligne que les gouvernements ne peuvent poursuivre les professionnels de la santé qui soutiennent les choix des femmes, notamment d’accoucher en dehors des centres hospitaliers. Enfin, il souligne que la persécution envers les sages-femmes qui aident les femmes à donner naissance hors CH constitue une violation des droits des femmes enceintes qui voudraient bénéficier de leurs services. En ce qui concerne les autres pays du monde, ce jugement peut être invoqué dans la jurisprudence, mais il ne peut obliger les autorités de ces pays à faire la même chose. Toutefois, ce jugement ouvre la porte à la nécessité de protéger, partout dans le monde, le droit des femmes de disposer de leur corps comme elles l’entendent, autour de l’accouchement. Pour moi, et pour toutes les personnes qui respectent ce droit, ceci inclut le droit de choisir d’avoir un AVAC.
La première journée du colloque fut consacrée aux perspectives internationales et européennes sur les droits de la personne reliés à l’accouchement et la seconde aux questions légales/juridiques reliés au choix du domicile et de l’hôpital pour la naissance aux Pays-Bas. Une participation était possible à distance, de partout dans le monde, par webinar.
Alors que la première journée était riche de réflexions sur les droits de la personne reliés à l’accouchement, la seconde journée s’est également avérée d’intérêt, notamment pour le Québec. En effet, les Pays-Bas sont considérés depuis longtemps comme ‘le’ modèle à travers le monde de soins de maternité où les femmes ont le choix et du lieu de naissance et du professionnel de la santé qu’elles préfèrent. Toutefois, leur situation, en ce qui concerne les soins de maternité, telle que révélée lors de la 2e journée du colloque, se fragilise et est préoccupante. Comme l’autonomie des sages-femmes a été au cœur du modèle québécois de la légalisation des sages-femmes, et comme la formation des sages-femmes s’est grandement inspirée de ce qui se faisait en Hollande, ce qui se passe dans ce pays doit inspirer le Québec à demeurer vigilant et à ne pas s’asseoir sur ses acquis. Comme le soulignait Marjolein Faber, paneliste et étudiante en 3e année au programme de formation sage-femme en Hollande- dans sa présentation Taboos in Maternity Care Education : Intimacy, Love, Sexualité and Death – la formation des sages-femmes en Hollande est actuellement essentiellement centrée sur les aspects académiques et médicaux (gestes techniques durant le prénatal, l’accouchement, etc.). Marjolein appelait l’audience à réfléchir sur « qu’est-ce qu’une sage-femme ? », « que doivent être les compétences d’une sage-femme ? » et a même convié l’institution responsable de la formation des sages-femmes à élargir la formation. Il semble en effet que la physiologie de l’accouchement ne soit pas complètement enseignée dans ce pays, où par ailleurs les femmes ont le choix et la possibilité de donner naissance à domicile et où 22 % des naissances ont lieu à domicile avec une sage-femme, un taux inégalé dans les pays occidentaux, mais qui diminue depuis quelques années.
Pour plus de renseignements sur ce colloque, consulter les sites suivants :
Merci pour ce résumé important, Hélène! Je viens tout just, moi aussi, d’écrire un billet (en anglais) sur les droits humains et l’accouchement (www.smrburke.com). Nous devons continuer de référer à ce paradigme, ce cadre de référence quand nous parlons de choix et d’autonomie : c’est une question de droits humains!
Choisir un AVAC n’est pas aisé mais que dire d’un AVA2C ….
Je ne remercierai jamais assez la sage-femme qui nous a accompagné dans ce voyage, malgré toute la pression qu’elle et nous avons subie.
Bravo pour votre travail
Karen
Bonjour Karen , avez-vous vécu un AVA2C ? Je suis actuellement enceinte de 22 semaines et je pense sérieusement à accoucher naturellement après 2 césariennes. Mais je souhaite avoir quelques expériences vécu. Tout s’est bien passer pour vous ?
En vous remerciant à l’avance.
Elodie.